
Casanova
Ma chère et inoubliable Henriette,
C’est au cours de votre voyage en Italie que nous nous sommes rencontrés, dans une auberge de Césène. Vous étiez en fuite d’un mari insupportable et d’un beau-père qui voulait vous cloîtrer. Votre échappée avait pris la compagnie de l’officier hongrois qui vous avait accueillie, vous prêtant ses vêtements masculins, puisque vous n’aviez rien d’autre pour vous vêtir. Les jeux de l’amour vous présentaient à moi habillée en militaire et vous êtes devenue le premier homme que j’ai aimé.
Durant ces mois de bonheur qui ont suivi, je n’ai jamais rien su d’autre de vous, pas même votre nom.
Ce capitaine hongrois ne connaissait pas votre langue, ni vous la sienne. Vous ne parliez ensemble que le langage du corps.
Plus tard, alors que je vous volais à lui, il a fallu que ce soit moi qui lui traduise votre demande de rupture... et en latin ! Vous, la Française que je comprenais si bien…
Le français et l’italien sont les langues de l’amour !
Henriette
Tu oublieras Henriette.
Casanova
Vous alliez à Parme et moi à Naples… Alors je vous fis croire que Parme était ma destination. Vous n’aviez pas d’attelage ? J’ajoutais aussitôt que je m’y rendais en carrosse privé, moi qui ne possédais pas même un cheval ! Il m’en a coûté l’achat du plus cher carrosse de ma vie et nous sommes partis tous les trois jusqu’à Parme, où vous avez enfin quitté votre capitaine pour moi.
Nous nous sommes aimés.
Vous vous cachiez à mes côtés, et votre nom resta inconnu à tous comme à moi. On ne vous appelait que « Henriette ».
Vous avez été la plus drôle, la plus belle et la plus folle de toutes les femmes que j’ai connues…
