
A Georges Izambard
Charleville, le 2 novembre 1870
Monsieur, à vous seul ceci —
Je suis rentré à Charleville un jour après vous avoir quitté.
Ma mère m’a reçu, et je suis-là… tout à fait oisif.
Ma mère ne me mettrait en pension qu’en janvier 71.
Et bien ! j’ai tenu ma promesse.
Je meurs, je me décompose dans la platitude, dans la mauvaiseté, dans la grisaille.
Que voulez-vous, je m’entête affreusement à adorer la liberté libre, et… un tas de choses que « ça fait pitié », n’est-ce pas, —
Je devrais repartir aujourd’hui même ; je le pouvais : j’étais vêtu de neuf, j’aurais vendu ma montre, et vive la liberté ! —
Donc je suis resté ! je suis resté ! — et je voudrais repartir encore bien des fois —
Allons, chapeau, capote et les deux poings dans les poches et sortons ! mais je resterai, je resterai, je n’ai pas promis cela.
Mais je le ferai pour mériter votre affection : vous me l’avez dit. Je la mériterai.
La reconnaissance que je vous ai, je ne saurais pas vous l’exprimer aujourd’hui plus que l’autre jour.
Je vous la prouverai.
Il s’agirait de faire quelque chose pour vous, que je mourrais pour le faire, — je vous en donne ma parole. — J’ai encore un tas de choses à dire…
« Ce sans cœur » de A. Rimbaud.
