
Rostand
AU CIEL
«?Hé, là-bas?!?» s’écria saint Pierre,
«?Qui frappe à l’huis du Paradis??
– Oh?! c’est l’âme d’un pauvre hère,
Mon bon Monsieur?!?» que je lui dis.
– «?Vous croyez qu’on entre peut-être
Ici comme dans un moulin??
– Vous êtes si bon, mon doux maître...?»
Repris-je en faisant le câlin.
– «?Taisez-vous?! On ne peut me plaire
Par des douceurs ni des cadeaux?;
C’était bon avec leur Cerbère
Qu’on prenait avec des gâteaux?!
«?Je suis un portier sans faiblesse.
Répondez?: sur terre, là-bas,
Alliez-vous entendre la messe??
– Pas souvent?», lui dis-je tout bas.
– «?On sait ce que cela veut dire,
Pas souvent?! Mais notre bon Dieu
Est partout. Cela peut suffire
De l’adorer hors du saint lieu.
«?Lui faisiez-vous votre prière
En vous couchant?? – En me couchant??
Je ne me souviens pas, saint Pierre.
Mais peut-être bien qu’en cherchant...
– «?Hum?!... enfin?!... Et la bonne chère??
– Je l’aimais assez... – Et le vin??
– La bouteille aussi m’était chère.
– Bûtes-vous trop?? – Cela m’advint.
– «?Mais vous viviez comme un infâme?!
Et la vertu??... – Dame?! j’aimais
Toujours une petite femme?!
– Était-ce la même?? – Jamais?!
«?Que la dernière était jolie?!
On s’en allait, sur les gazons,
Par les dimanches de folie,
On s’en allait... – C’est bien?! Gazons?!
«?Et vous avez encor l’audace
De me dire ça sous le nez??
Pour vous nous n’avons pas de place?:
Allez-vous-en chez les damnés?!
«?Oh! là-bas on vous fera fête,
Monsieur le... Tiens, au fait, qu’avez-
Vous été sur terre?? – Poète.
Je faisais des vers, vous savez.
– «?Hein?? Poète??...?» Alors, m’ouvrant vite?:
– «?Pourquoi,?» fit-il d’un ton plus doux,
«Ne l’avoir pas dit-tout de suite??
Entrez donc?! Vous êtes chez vous.?»
